T H E . S T O R Y . O F . M Y . L I F E

Mon histoire, elle commence techniquement le 22 juin 2000, à Paris. Jusqu’à l’âge de mes six ans, tout s’est relativement bien passé. Même les quatre années suivantes, d’ailleurs, lorsque Lou était venue au monde. Lou… lorsqu’elle est née, j’étais le plus heureux des grands frères. Et elle était la plus comblée des petites sœurs. On était très proches, très complices, et nos parents étaient fiers de nous. Mais comme je vous l’ai dit, tout a dérapé. Parce qu’elle était obsédée par ma personne. Obsédée, je ne vois pas d’autre mot. Si j’avais pu changer quoi que ce soit, j’aurais tout changé, je pense. J’aurais fait de nous des enfants plus distants, j’aurais du lui apprendre à vivre sa vie, et non la mienne. Mais c’est la vie, hein, elle nous tombe dessus comme une fatalité, à nous de nous démerder pour s’en sortir. Alors j’ai fait ce que j’ai pu.

A Durmstrang, j’ai essayé de me demander ce que j’aimerais « faire de ma vie plus tard ». Comme tous les ados de mon âge, je me suis imaginé des tonnes de scenarios, ne faisant cependant pas partie de ceux qui voulaient être riches et célèbres. Etre indépendant, vivre mon truc à moi, avoir un boulot que me plaisait, c’était tout ce que je demandais. Alors aussitôt mes études terminées (avec des Optimal à la plupart de mes examens, s’il vous plait !), je me suis envolé direction l’Australie. C’est cool, l’Australie. C’est loin, personne pour venir vous emmerder tous les week-ends à la maison. Et en plus, il y a les kangourous. Qu’est-ce que je suis allé faire au pays des kangourous ? De l’archéologie, évidemment ! Rechercher les vestiges du passé… voilà quelque chose qui me branchait bien. Seulement, je n’ai pas terminé les études là-bas ; j’ai décidé de retourner en Angleterre lorsque j’ai fait la rencontre d’un expert en matière de sortilèges. Une experte, pour être plus précis. Non, je ne suis pas tombé amoureux – je n’ai jamais été amoureux, en réalité. Non, nous étions juste de bons amis, et puis elle avait un petit ami. C’est elle qui m’a fait changer de voie, et qui m’a convaincue de devenir professeur.

-Moi professeur ? T’as vu un snargouffle ou quoi ?
-Arrête, Matt… Tu ne vas pas me dire que tu vas rester ici toute ta vie !
-Et pourquoi pas ?
-Matt… Les kangourous, ce n’est pas une compagnie !
-Il y a bien des vieilles qui s’occupent d’un chat comme si c’était leur gosse. Je peux bien aller admirer ces animaux en grattant le sol, si ça me plait.
-Tu ne vas pas rester seul jusqu’à tes soixante-ans ! T’as besoin de voir du monde, t’as besoin d’avoir une… une petite-amie, et pourquoi pas renouer le contact avec ta famille ?
-Ma famille ? Quelle famille ? Ah, tu veux parler de ma petite sœur hystérique qui a failli se suicider quand je lui ai dit qu’elle ne me laissait pas vivre ? Ou peut-être de ma mère alcoolique ? Ou encore de mon père qui nous a tous laissés tomber ?
-Ce n’est pas la peine de m’engueuler moi, ok ?! Oh, et puis après tout, tu fais bien ce que tu veux. T’as plus de vingt ans, t’es un grand garçon, hein.
-…
-…
-Je suis désolé, Nelly.
-C’est pas grave. Mais réfléchis-y quand même.

Non, je n’avais pas envie de renouer contact avec les membres de ma famille. Mais Nelly avait raison, en un sens : je ne pourrais rester le restant de mes jours ici, j’allais en avoir marre un jour ou l’autre. La solitude nous pèse toujours, au bout d’un moment. Au moins, en tant que professeur, j’allais pouvoir voir des gosses tous les jours, leur apprendre la maitrise des sortilèges. J’allais avoir de la compagnie, il y aurait le reste du corps professoral. Et puis, au pire, si ça ne marchait pas, je pouvais toujours retrouver l’Australie et mes kangourous adorés.

Alors je suis retourné en Angleterre. J’ai passé un concours pour être professeur dans une école de magie. Il y en a un peu partout dans le monde, mais c’est à Poudlard qu’on m’a envoyé ; la plus proche. C’est à la rentrée 2022 que je débuterai cette nouvelle carrière, un nouveau départ. J’ai promis à Nelly de lui envoyer une lettre pour lui raconter ma première semaine, je compte le faire. Je dois aussi écrire à Preston, mon meilleur ami, qui a déménagé sur Londres.

Comme je vous l’ai dit, la vie, elle nous tombe dessus comme une fatalité, et on doit se démerder pour s’en sortir. J’ai tenté ce que j’ai pu, j’ai mis de mon côté tout je pouvais avoir. En agissant pour moi, j’ai brisé ma famille. Nous avons brisé notre famille, ensemble. Lou, elle a été comme une bombe pour moi, pour nous. Et aujourd’hui, alors que je suis en train de devenir professeur, alors que je suis en train de me dire que ouais, finalement, je m’en sors plutôt bien, une nouvelle explosion va avoir lieu. Je ne sais pas quand, mais c’est pour bientôt. Puisque… Lou sera désormais l’une de mes élèves. Je ne m’en suis pas souvenu, lorsque j’ai accepté le poste (sinon, je ne l’aurais sans doute pas fait), mais lorsque j’ai donné mon premier cours, c’était comme recevoir un boulet de canon dans le ventre.

Le destin nous joue parfois des drôles de tours.