LILY – McFear, tu fais un pas de plus en direction de ce chaudron, et même la chirurgie plastique des sorciers ne viendra pas à bout de ta face amochée.
MCFEAR – Mais c’est qu’elle me ferait presque peur la petite Potter ! N’oublie pas que c’est toi qui profite du bureau de McGonagall chaque fois que t’essayes de m’atteindre.
LILY – Un jour, je t’atteindrai si bien que t’iras chercher du réconfort auprès de Graup tellement tu te sentiras seul.

J’avais l’impression que la dernière fois que cet imbécile avait fait monter la contrariété et l’exaspération en moi ne remontait pas à plus d’une journée. Pire, il me semble que je consacrais une partie conséquente de mon temps à cet être insignifiant qu’était Cooper McFear, ce stupide énergumène que je me devais désormais de supporter à la plupart de mes classes et ce depuis bien des années maintenant. Très honnêtement et sans aucune mauvaise foi, il me semble que c’est lui qui a toujours éprouvé pour moi les sentiments les plus détestables, une chose entrainant une autre, j’avais moi aussi, fini par l’abominer. Il a beau affirmer que prononcer mon nom l’horripile, c’est également devenu le cas pour moi. Le pire dans l’histoire, c’est qu’il avait complètement raison lorsqu’il disait que j’étais presque systématiquement perdante. Malchance, évidence ? Allez savoir. Une chose était certaine, cependant. Je n’avais de hâte de me débarrasser de cet individu horripilant.

Surveillant du coin de l’œil les activités de notre professeur de Potions du coin de l’œil, je lance un regard noir à mon interlocuteur qui, comme ce que j’avais minutieusement prévu, avança de quelques pas supplémentaires simplement pour me provoquer. Combien de fois avait-il été à l’origine de mes résultats pitoyables en cours de Potions ? La plupart, je dirais, non pas que je sois une bonne élève à l’origine.

EMILY – Recule.
MCFEAR – C’est mignon, sa copine la protège !
LILY – Laisse tomber Emi’, de toute façon il ne comprend pas notre langue. Il parle celle des crapauds.
MCFEAR – RECUR…
LILY – Mobilicorpus !

C’était le premier maléfice qui m’était venu à l’esprit, même si j’étais prête depuis bien longtemps à saisir ma baguette magique. Toujours était-il que le mouvement de ma baguette magique fut assez violent pour expulser le parasite à l’autre bout de la pièce, son corps percutant une armoire dont les étagères étaient recouvertes de fioles contenant ingrédients en tout genre, le tout tombant lamentablement sur le sol, se divisant en dizaines de petits morceaux de verre.

PROFESSEUR – POTTER !

Je fermais les yeux, retenant ma respiration. Nous y voilà. Une retenue de plus, une retenue de moins. Une injustice de plus, une injustice de moins. A quoi bon, l’injustice n’est-elle pas de mise en ce monde ? Dans le mien, elle était omniprésente, et croyez moi, vous pouvez avoir beau essayer de vous y habituer, il ne s’agit pas d’une chose que vous pouvez simplement accepter. Vous battre ? Vous pouvez toujours essayer, mais posséder un esprit des plus calculateurs semble indispensable. Malheureusement pour moi, ça n’était pas particulièrement mon cas. Une heure plus tard, alors que le cours touchait enfin à sa fin, je restais par conséquent dans la salle, prête à purger ma peine avec un naturel déconcertant. L’injustice, on ne s’y fait pas. Les retenues, presque. Je n’essayais même pas d’écourter, pas même de me justifier, ou d’entamer quelle négociation que ce soit, non. Je manquais l’entrainement de Quidditch avec silence et tout de même, il serait malheureux de ne pas l’avouer, une légère fierté d’avoir envoyé McFear balader comme un morceau de chiffon contre le mur du cachot.

Deux heures plus tard, je sortais enfin, les mains légèrement engourdies par le nettoyage forcé des chaudrons que j’avais dû m’hasarder à faire. Le sac sur l’épaule, je m’empressais de rejoindre l’extérieur, plus précisément la lisière de la forêt interdite où ma cousine Rose devait déjà m’attendre. Je savais parfaitement ce qu’elle devait avoir en tête, et une excursion dans la forêt pour rejoindre sa boîte à souvenirs n’avait jamais et ne serait jamais refusée par moi-même. J’avais moi-même un objet bien caché là-bas. Un objet et un seul, auquel je tenais sans tenir. Il était là-bas car je ne savais où le mettre plutôt que dans une boîte à souvenirs. Le soleil se couchait tout juste, décorant les imposantes tours du château de ses rayons rose-orangés, dessinant à des milliers de mètres autour de nous un paysage sans égal dont la seule autorisation de voir donnait une raison de vouloir être un jeune sorcier. En quelques minutes seulement, après avoir parcouru en descente toute la longueur du parc où quelques élèves s’accordaient quelques minutes de détente avant de rejoindre la Grande Salle pour le dîner. Peu importait l’heure, peu importait l’endroit ce soir. Cela même s’il était interdit. La soirée promettait d’être intéressante, simplement parce que Rose et moi avions décidé de la passer où il était interdit de pénétrer. Interdit, interdit, concept de l’utopie, use de tes charmes pour m’engloutir, fais de ma vie une aventure, celle dont je n’ai pas peur, celle qui donne à mon existence un sens différent, un sens attirant, un sens réjouissant.

J’aperçu ma cousine à quelques mètres encore plus loin, m’empêchant de l’interpeller, faisant preuve d’une discrétion sans égale. Après tout, le soleil serait bientôt invisible, et dès lors notre présence ici serait bien plus prohibée encore. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres tandis que je prenais finalement un autre chemin, m’enfonçant de quelques mètres parmi les arbres de la forêt, contournant la fille de mon oncle. Marchant sur des œufs, je m’approchais d’elle dans son dos, prête à surgir telle une lionne et surtout, prête à la faire s’égosiller. Arrivée tout juste derrière elle, je m’autorisais enfin à respirer normalement, enfonçant deux doigts de chaque côté de sa taille. A moi la balle, en tout cas pour commencer.

LILY – Excuse moi du retard, j’ai passé la soirée en retenue, encore.

Prononçais-je en même temps, parfaitement naturellement.

Il me semblait que le temps défilait à toute vitesse, la trotteuse se déplaçant sur le cadrant à l’unisson avec les battements de mon cœur, largement accélérés par ma course dans l’immensité que constituait l’étendue extérieure du château. On m’aurait qualifiée de masochiste, moi qui trottinait joyeusement en direction de la forêt dite « interdite » abritant nombre de créatures plus impressionnantes et dangereuses les unes que les autres. Au risque de le paraître, c’était réellement le plus bel évènement de mon entière journée tout juste achevée. J’étais partie pour une excursion dont le seul carburant était l’adrénaline, ce avec ma cousine Rose, ma moitié. Celle dont j’étais incapable de me séparer, celle sans qui je serai dans l’impossibilité de continuer si elle m’était retirée, celle sur qui je comptais et pourrai éternellement compter, ce avec réciprocité.

La prendre par surprise était puéril, si enfantin que ce plaisir, je ne pouvais me le refuser. Je me savais immature, possédant l’âge mental d’une petite fille de dix ans, mais de ce côté-là, je m’en portais le mieux du monde. J’étais bien heureuse ainsi et ce étant l’une des seules choses qui me plaisaient en la personne que j’étais, je n’étais pas prête de laisser s’opérer un quelconque changement, du moins j’ose l’espérer. Ce côté puéril est en effet l’une des seules choses qui n’a pas changé en moi, depuis ce jour-là. Avec Rose, et c’est également l’une des raisons pour lesquelles je l’aime autant, je peux être cette fille-là, celle que j’avais l’habitude de demeurer avant.

Je me délectais stupidement de son cri de frayeur avec un sourire imbécile finement dessiné sur mon visage légèrement fatigué tandis que ma cousine se retournait en l’espace d’un millième de seconde, pointant sur moi ce qu’elle croyait sans doute être sa baguette magique. Je me stoppais, les mains en l’air telle une criminelle prise en flagrant délit, un énorme sourire sur le visage, me retenant d’exploser de rire en baissant les yeux sur ce qui se trouvait être un bâton de réglisse. Arquant un sourcil, l’air moqueur, je brisais le silence retombé : « Convaincant. Lord Voldemort en serait tombé à la renverse. »

J’explosais de rire, tandis que ma cousine aplatissait la paume de sa main sur mon épaule, me faisant reculer de quelques centimètres au passage, tout cela en me traitant tout bonnement d’imbécile. Je me disais de temps à autre que pouvoir placer le nom de Lord Voldemort dans une blague relevait de la provocation envers mes parents. A chaque fois que James, Albus ou moi avions le malheur de le faire, nous nous faisions punir pour plusieurs journées d’affilées. Je regrettais amèrement chacune de mes paroles à chaque fois que cela arrivait en leur présence, sachant mieux que personne le mal qu’il avait pu faire à notre famille en particulier mais également à l’ensemble de notre monde. Mais au fond, que pouvions nous, James, Rose et tous les autres moi y compris, faire de tout ce passé ? Nous n’en avions pas fait partie et même si ma mère avait encore parfois du mal à prononcer le nom de celui qui avait tant détruit dans le passé, j’avais choisi l’attitude de mon père. Après tout, à quoi bon appeler « celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom » ainsi alors qu’il est mort et enterré, dites le moi ?

« C’est celui qui le dit qui l’est ! » Répondis-je, transformant mon habituel timbre sucré en une voix enfantine à la perfection. Entre Rose et moi, c’était souvent cette attitude que je choisissais. Encore plus gamine qu’à l’habitude, si c’était possible. « Je déteste quand tu fais ça. » Je brisais discrètement le silence d’un petit éclat de rire. « C’est pour ça que j’le fais chérie. Et j’suis extrêmement douée, n’est-ce pas ? » Lily Luna Potter, fière de ses conneries en plus de tout. Et ouais, j’étais bien réputée pour ça après tout, pour en faire voir de toutes les couleurs à monsieur et madame tout le monde avec un grand sourire, quelles que puissent en être les conséquences. « Qu’est-ce que t’as encore fait ? » me demandait la jeune fille de un an mon aînée tandis que nous nous enfoncions d’un pas assuré vers l’obscurité renfermant angoisse et inconnu. « Comment ça encore ? J’suis sage moi, je n’ai rien fait qui ne puisse me valoir trois heures de retenue… » Assurais-je tout d’abord avec un sourire alors que ma cousine plantait assurément son regard dans le mien, demandant sans même avoir à ouvrir la bouche que je corrige ce mensonge aussitôt. « Bon. McFear est un crétin, j’l’ai envoyé valser devant tout l’monde contre le mur des cachots. En plein cours, ça a servit à rien mais c’était fun et il s’est tapé la honte, c’est tout c’que j’demande. » Je sursautais absurdement au hululement d’une chouette dont les yeux ronds et brillant transperçaient la pénombre. Rose et moi nous déplacions dans cet univers inquiétant aussi simplement que dans les couloirs de notre école comme si nous avions fait ce chemin des centaines de fois. Les quelques bruissements de feuille et cris d’animaux non-identifiés faisaient parties du décor et nous avions apprit à nous y accommoder, les sursauts n’étaient que dus à la surprise, à présent.

« Tu vas bien ? » finit par demander ma cousine alors que nous approchions du but, la faible lumière émanant des hauteurs infinies du ciel filtrant désormais difficilement à travers les branchages recouvrant notre chemin. Je soupirais discrètement, ayant préféré éviter le moindre sujet fâcheux. Mais avec Rose, ils se devaient d’exister, parce qu’il n’y avait entre nous aucunes cachoteries, aucun tabou par ailleurs. Je hochais la tête, ravalant difficilement ma salive comme si le souvenir des évènements récemment écoulés me coupait la respiration. « Je… Beh… James me déteste de tout son être, Clay ne daigne pratiquement plus m’accorder un regard, ce même pendant les entrainements… Tess et moi ne parlons presque plus non plus. » Je terminais avec un sourire faux en tentant de tourner la conversation à la plaisanterie. «C’est la belle vie comme tu peux voir, mais crois-moi, on s’y fait hein ! Arrête de m’serrer le bras comme ça, j’vais pas t’laisser pourrir ici, trouillarde ! » Réclamais-je avec un petit rire. « Et toi ta journée ? Pas de beuglante à l’horizon ? »